Après avoir roulé des mécaniques avec Cars, les studios Pixar reviennent nous régaler les rétines avec une nouvelle production haute en couleurs. Ratatouille marque la deuxième réalisation de Brad Bird au sein du studio, après le succès des Indestructibles en 2004, et autant le dire tout de suite, c'est (encore) une véritable réussite. Développée à l'origine par Jan Pinkava, l'histoire de Rémy, le rat qui rêvait de devenir un grand chef, a ensuite été repris en main par le réalisateur du Géant de Fer pendant un développement laborieux. Mais cela en a assurément valu la peine au vu du résultat.
A chaque film, Pixar continue de nous éblouir avec une animation au summum de son art. Ratatouille ne fait pas exception et on assiste à une maîtrise technique et artistique parfaite. Les personnages, au design caricatural mais pourtant réaliste, se déplacent avec un naturel déconcertant. Les textures sont superbes, de la fourrure de Rémy aux habits de Linguini, en passant par la reconstitution des rues de Paris, impressionnante. Cette dernière n'a jamais été aussi belle que dans Ratatouille, avec une ambiance intemporelle où le charme et la beauté de la ville prédominent. Avec un scénario tel que l'histoire du rat qui voulait devenir chef, la nourriture se devait d'être appétissante. Et le pari est relevé haut la main. Les plats que confectionnent la brigade sont étonnants de réalismes, magnifiés par les effets de lumières et de transparence, et donnent très vite faim. Un conseil, n'allez pas voir Ratatouille sans avoir au préalable déjeuné ou dîné, la séance pourrait vite se transformer en torture pour l'estomac. Le film regorge de détails qu'une seule vision ne permet pas de débusquer. Que ce soit les milles et un ustensiles de cuisines reproduits fidèlement ou les savoureux détails morbides subliminaux du bureau du critique Anton Ego, vous ne saurez plus où donner des mirettes.
Le film bénéficie d'un rythme soutenu qui permet de ne pas s'ennuyer, hormis peut-être le début qui est un peu lent à démarrer, les péripéties de Rémy et compagnie se suivent avec une fluidité bienvenue. Mais le film n'oublie pas pour autant de prendre son temps pour établir les personnages et leur motivations, et c'est très appréciable de nos jours où les films ressemblent plus à des clips musicaux qu'à des histoires à raconter. Les scènes de bravoure sont mises en scène de façon brillante, on pense notamment à la première incursion de Rémy dans les cuisines de Gusteau où le placement et les mouvements de caméra à l'échelle du rat sont virevoltants. La course poursuite dans les rues de Paris entre Rémy et Skinner et aussi prenante et n'a rien à envier aux blockbusters du genre. Le film maîtrise à la perfection l'art de la comédie physique, là où les Shrek succombent à la facilité des blagues potaches et vulgos, Ratatouille rend un vibrant hommage aux classiques du muet tels que Chaplin ou Keaton. Citons les scènes irrésistibles où Rémy contrôle les faits et gestes de Linguini où l'art du burlesque atteint des sommets. Les animateurs de Pixar ne sont pas appelé les " acteurs au crayon " pour rien, les expressions des visages des protagonistes sont hallucinants de vérité, le " dialogue " entre le commis et le rongeur sous le pont Alexandre III en est une brillante illustration.
La dernière partie du film met le personnage du critique Anton Ego sous les projecteurs, avec ce qui pourrait bien être le meilleur monologue de cinéma depuis des lustres. Il propose une réflexion intéressante sur la passion derrière la critique, que ce soit gastronomique, littéraire ou cinématographique. Via le personnage glauque d'Ego, Brad Bird souligne l'importance de ne pas se déconnecter de ce qui anime nos passions et montre la difficulté de la position du critique.
Brad Bird a toujours revendiqué l'art de l'animation comme un genre à part entière et non simplement destiné au seul jeune public. Il le prouve encore cette fois-ci, en abordant des thèmes adultes, comme la vie et la mort, et ce, sans les aseptiser. Il n'hésite pas à montrer des images fortes nécessaires aux enjeux dramatiques des personnages, comme cette scène traumatisante devant une vitrine de dératisation. Le thème de la famille est également abordé de manière intelligente, avec en problématique le fait d'assumer ses rêves jusqu'au bout en quittant le nid familial, tout en sachant qu'elle sera toujours derrière nous pour nous soutenir.
Le politiquement correct n'a plus sa place chez PIXAR, comme au bon vieux temps de Walt Disney où Pinnochio apprenait les pièges de la vie en fumant sur l'Île aux Plaisirs ou quand Dumbo voyait des éléphants roses en prenant sa première cuite. Dans Ratatouille, le méchant n'hésite pas à faire parler Linguini en le faisant boire allègrement, pour ne citer qu'un exemple parmi tant d'autres. L'humour a un parfait timing et fera rire les plus grands sans oublier les plus petits. Bref, c'est une petite révolution que le réalisateur tient à cœur depuis longtemps, faire un film d'animation non plus formaté pour les enfants et que les adultes apprécieront, mais plutôt un film pour tout le monde et où les enfants trouveront leur compte. Une philosophie que n'aurait pas renié Walt Disney de son temps. Ratatouille rappelle d'ailleurs fortement, de par son ambiance, son rythme et sa construction, les grands classiques de l'oncle Walt, tels que Dumbo, Bambi ou encore les films animaliers comme les 101 Dalmatiens.
N'oublions pas de souligner l'excellente partition de Michael Giacchiano qui est d'une qualité exceptionnelle. Savant mélange d'instruments typiquement français et de rythmes endiablés, la musique accompagne les scènes de façon magistrale. Quant à la chanson " Le Festin ", interprétée par Camille, elle clôt le film sur les meilleures notes.
Bref, Pixar signe avec la précieuse contribution de Brad Bird, à nouveau un chef-d'œuvre. Ratatouille a tout ce qu'il faut pour devenir un classique instantané : des personnages plus qu'attachants, un univers dépaysant (même pour nous français) et une histoire portée par des thèmes universels. Un film à ne rater sous aucun prétexte cet été sur grand écran, jouez les fines bouches !